Un autre regard sur : le bombardement d’Hiroshima

Un autre regard sur : le bombardement d’Hiroshima

L’horreur de ce bombardement, comme celui de Nagasaki trois jours après, est dans toutes les têtes. On ne connaît pas exactement le nombre de personnes tuées par les explosions elles-mêmes, qui pourrait dépasser 200 000, sans compter les cas ultérieurs de cancers.

Pourquoi à ce moment, trois mois après la capitulation de l’Allemagne ?

Contrairement à la version officielle des États Unis, la décision de lancer pour la première fois deux bombes atomiques n’a pas grand-chose à voir avec la volonté d’éviter de lourdes pertes militaires pour acculer le Japon à la capitulation.

Ces deux bombardements font partie d’une campagne entamée en 1945 qui visait à anéantir les villes japonaises. Il ne s’agissait plus de bombarder des objectifs militaires, voire les installations industrielles, mais les villes, les populations civiles. Tokyo est quasiment rayée de la carte entre février et mai, à lui seul le bombardement du 10 mars 1945 par des bombes incendiaires fait plus de 100 000 mort·es, et réduit en cendres 40 kilomètres carrés. Soixante six villes ont été plus ou moins détruites dans cette année par des bombes traditionnelles.

Le 6 juin, la date du largage de la bombe sur Hiroshima, c’est deux jours avant de l’entrée en guerre de l’URSS contre le Japon, qui avait été négociée à Yalta six mois auparavant. Or la puissance de l’armée soviétique fera obligatoirement basculer le rapport des forces. Le Japon, face aux deux plus grandes armées du monde, obligé de reculer en Chine face à l’armée nationaliste et à l’armée rouge, n’a pas d’issue militaire. Deux mois avant, en juin 1945, une réunion du « conseil suprême japonais » affirmait déjà que l’entrée en guerre de l’Union soviétique déterminerait le destin de l’empire.

Il était clair que la fin de la guerre était imminente. Il s’agissait de savoir à quelles conditions et qui pouvait en retirer les bénéfices politiques.

Lancer ces bombes atomiques avant l’entrée en guerre des soviétiques visait donc à donner l’impression que c’étaient ces bombardements américains qui avaient permis d’obtenir la capitulation des japonais, et non l’offensive soviétique.

Cet épouvantable meurtre de masse, ce crime contre l’humanité a été perpétré dans le but d’une démonstration de force politique destinée, pas principalement à l’intention du Japon, mais à ses propres alliés, particulièrement l’Union Soviétique. Les États Unis montrent qu’ils ont une force de frappe qu’ils sont seuls à posséder à ce moment. Ils seront rejoints par les soviétiques quatre ans après en 1949.

C’est le signe annonciateur de la guerre froide : les USA préparent l’après guerre, s’assurent que l’occupation du Japon resterait une affaire strictement américaine, que ce pays sera un allié sûr face à la présence soviétique en Asie. Ils éliminent au passage la présence britannique, pour bien marquer le fait qu’ils sont LA nouvelle puissance impérialiste mondiale visant à l’hégémonie.

Les États- Unis cherchaient à empêcher tout transfert de pouvoir aux résistances locales, empêcher que l’effondrement des japonais en Corée, aux Philippines, dans les colonies néerlandaises et en Indochine profite aux forces nationalistes et communistes. Pour cela, ils firent la paix avec les forces archaïques du colonialisme ou du conservatisme pour restaurer le statu quo existant avant la guerre.

Puis, pour affermir leur hégémonie ils assurent l’intégration de l’Europe de l’Ouest au marché mondial qu’ils dominent avec le plan Marshall, et jouent un rôle central dans la réorganisation du Japon.

Attribuer la fin de la guerre au largage de ces deux bombes atomiques servait donc les intérêts américains : il ne fallait pas laisser s’imposer l’idée que c’était l’entrée en guerre de l’union soviétique qui avait obligé le Japon à capituler, ce qui aurait renforcé la perception de sa puissance alors que la guerre froide se préparait.

Ce n’est pas pour des objectifs militaires que sont mort·es toutes ces japonaises et japonais, mais pour les objectifs politiques de l’impérialisme américain à la fin de la deuxième guerre mondiale.