Vision artistique PKI manifestation

Un autre regard sur : L’extermination du parti communiste indonésien

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Le 30 septembre 1965 commençait en Indonésie, le quatrième plus grand pays du monde, riche de nombreuses matières premières, un massacre inouï, qui fera entre 500 000 et un million de victimes, assassinées, torturées, jetées dans des fosses communes, et des centaines de milliers emprisonnées pour des années dans dans des camps.

Par ce coup d’État, la classe dominante voulait éradiquer d’un coup l’ensemble des contradictions qui minaient le pays et principalement à faire disparaître le Parti Communiste, le PKI.

C’était le troisième parti communiste au monde, peut-être 3 millions de membres. Il regroupait dans le syndicat, l’association paysanne, des mouvements féminin et jeune, une fédération d’artistes jusqu’à 20 millions de membres sur une population de 115 millions, et au plan électoral talonnait les partis nationalistes et islamistes.

Il s’était construit depuis les années 20 dans les mobilisations populaires dans les campagnes, dans les usines, et dans la lutte de libération nationale contre le colonisateur néerlandais, en rivalité avec les courants musulmans et les nationalistes de Soekarno.

Soekarno, président de l’Indonésie a l’indépendance de 1948, cherchait à forger l’unité nationale autour du slogan « Une patrie, une nation, une langue » . Il est connu comme l’une des figures du Mouvement des non-alignés, l’organisateur de la conférence de Bandung en 1955, qui montra l’éveil du Tiers Monde en réunissant 25 pays d’Afrique et d’Asie dont l’Inde de Nehru et la Chine de Mao.

C’est aussi un nationaliste populiste et autocrate, qui a réprimé de nombreux mouvements de contestation. Il lance en 1959 la « démocratie dirigée »qui renforce considérablement son pouvoir présidentiel, en s’appuyant sur le PKI, qui à cette occasion abandonne la stratégie de l’insurrection armée. Soucieux de l’alliance avec le président anti impérialiste, il ne lance pas à l’assaut du pouvoir les mobilisations populaires, paysannes et ouvrières contre les propriétaires terriens et la nouvelle bourgeoisie industrielle, et se tourne vers une conquête du pouvoir dans la légalité par la construction d’une hégémonie dans la société avec ses organisations de masse.
En même temps l’armée, soutenue par les États Unis, la Grande Bretagne et tous les secteurs anti communistes, prend le contrôle de la bureaucratie administrative dans l’ensemble du pays. Et seule l’armée a accès aux armes.

Aux yeux des États-Unis engagés dans le « bourbier vietnamien », Soekarno apparaît de plus en plus incontrôlable. Or ils ont besoin d’alliés fiables pour isoler les révolutions chinoise et vietnamienne, pour contrôler les voies maritimes entre Océan Indien et Pacifique, et accéder aux énormes richesses naturelles de l’Indonésie.

Pour garder dans le giron impérialiste le plus grand pays musulman du monde, il faut absolument éliminer le Parti Communiste, un des piliers du régime de Soekarno, puis toute la gauche indonésienne .

L’ élément déclencheur est une tentative de coup d’État le 30 septembre 1965 par quelques militaires partageant les positions du PKI , qui donne l’occasion au général Soeharto de prendre le contrôle total de l’État, et de lancer des milices civiles soutenues, encadrées par les militaires dans une campagne d’assassinats atroces, massifs, systématiques. Contre le PKI et ses sympathisants, mais aussi les travailleurs agricoles partisans d’une réforme agraire et tous les opposants, les tueries durent plusieurs mois. Le PKI ne parvient à aucun moment à mettre en place une riposte, ses dirigeants sont assassinés ou condamnés à mort, il est rayé du paysage politique.

Comme le dit en 1966, l’ambassadeur US à Jakarta : « les États-Unis voient plutôt d’un bon œil et admirent ce que l’armée est en train de faire ». Ce massacre indonésien est pour les États-Unis une image inversée du Vietnam. La dictature indonésienne qui s’installe renforce d’une pièce maîtresse leur arc d’endiguement de l’Asie communiste, avec la Thaïlande, la Malaisie, Singapour, les Philippines.

Cette liquidation “réussie” – parallèlement à l’arrivée au pouvoir de la dictature militaire brésilienne en 1964 – a servi de modèle pour les stratégies d’élimination des mouvements de gauche en Amérique latine : « opération Jakarta » fut un des noms de code utilisé par les tortionnaires préparant leur passage à l’offensive au Chili en 1973.