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Les souvenirs qui y sont associés sont positifs. Et on le comprend aisément : c’est en application de son programme « les jours heureux » qu’à la libération les libertés démocratiques ont été restaurées et surtout que le système de sécurité sociale a été instauré, qui «visait à assurer à tous les citoyens des moyens d’existence dans tous les cas où ils sont incapables de se les procurer par le travail » avec comme points forts l’assurance maladie et le système de retraites. On continue à défendre cet acquis grignoté maintenant depuis plus de 50 ans.
Comment cela a-t-il été possible ?
Pour comprendre le rôle du CNR, il faut revenir aux premières années de la guerre.
Tous les courants politiques en place étaient déconsidérés,
l’assemblée nationale élue en 36 avait voté les pleins pouvoirs à Pétain,
le PCF soutenait le pacte germano-soviétique de 1939 qui avait permis de dépecer la Pologne et à Hitler d’attaquer à l’Ouest sans avoir de deuxième front,
la droite qui préférait Hitler au Front populaire est rassurée que la chienlit des années 30 cesse,
ainsi que la bourgeoisie, car les entreprises font des affaires avec les occupants nazis, sans parler des hauts fonctionnaires qui les servent.
Dès le début De Gaulle a cherché à constituer un gouvernement en exil, pour être un interlocuteur accepté par les alliés, qui regardent plus les membres de l’état de Vichy de Pétain que les résistants à qui ils font peu confiance, et qui n’accordent pas grand crédit à ce général isolé.
Tout va changer entre 1941 et 1942.
D’abord après l’entrée en guerre de l’URSS envahie en juin 1941, qui va provoquer l’entrée en résistance du parti communiste contre les nazis,
et l’entrée en guerre des USA en décembre 1941 qui change le rapport des forces.
Les alliés débarquent en Afrique du Nord, ce qui oblige l’armée allemande à occuper la zone sud jusqu’alors gérée par Pétain. Avec l’instauration du Travail Obligatoire en Allemagne quelques mois après, la résistance de jeunes refusant cette nouvelle situation devient plus importante.
La défaite nazie à Stalingrad en février 1943 est le tournant de la guerre.
De Gaulle accélère alors l’organisation d’un appareil d’état, d’un gouvernement, car il craint, comme tous les bourgeois et les capitalistes, qu’à la fin de la guerre, des révolutions se déclenchent, comme cela avait été le cas à la fin de la première guerre mondiale.
Il s’agit donc pour lui de construire une ébauche d’institutions incontournables pour les alliés, qui contrôle ce qui va se passer du côté de celles et ceux d’en bas et soit capable de restaurer l’autorité des dominants.
C’est pour cela qu’est créé le CNR, qui unifie huit mouvements de résistance, dont les deux dirigés par les communistes, les deux grands syndicats de l’époque, la CGT unifiée et la CFTC, avec six représentants des principaux partis : la Parti Communiste Français, le Parti Socialiste, les radicaux et trois partis de droite qui ont aujourd’hui disparu.
Pour avoir l’autorité, le CNR doit impérativement regrouper toutes celles et toux ceux qui se battent contre le nazis et pour que le monde change, que rien ne soit plus comme avant, ce qui explique ce cadre dans lequel cohabitent les syndicats, les mouvements de résistance et des partis politiques.
En effet, la résistance de celles et ceux d’en bas est révolutionnaire : contre les élites au pouvoir, l’affairisme, la trahison des classes dirigeantes, les arrangements avec les nazis, elle veut briser le pouvoir de l’argent, des trusts, de l’oligarchie économique, et pour elle le programme du CNR est l’étape première d’une transformation de la société.
Pour les dominants, les bourgeois, c’est l’inverse, il faut que rien ne change, garder le pouvoir tout en acceptant qu’en surface tout semble changer.
Les promesses du programme, comme « l’instauration d’une véritable démocratie économique et sociale, impliquant l’éviction des grandes féodalités économiques et financières de la direction de l’économie », et les nationalisations justifient la reconstruction des institutions étatiques contrôlées par De Gaulle, les Préfets au lieu des Comités de Libération, le désarmement des milices patriotiques accepté par les résistants et notamment les communistes.
Toutes les promesses du programme du CNR sont aujourd’hui tombées dans l’oubli, sauf la Sécurité sociale, acquis majeur, qui n’a été octroyée que parce que les dominants ne pouvaient faire autrement, et devaient céder quelque chose d’important … pour éviter de tout céder.