La révolution russe (vision allégorique)

Un autre regard sur : la révolution russe de 1917

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Contre les réécritures de la révolution russe de 1917, revenir sur cet événement, c’est redonner la parole aux millions de russes qui ont changé le cours de la lutte de classe de tout le 20ème siècle.

Car cette révolution n’est pas un coup d’état, elle a été un mouvement d’une ampleur historique considérable, qui a mis en branle contre l’ordre tsariste toutes les classes populaires de la société russe pendant des années.

Elle commence bien avant 1917, au moins avec la révolution de 1905, le déferlement de grèves, de soulèvements populaires, qui continuent jusqu’à l’insurrection de février 1917, puis celle d’octobre, et durant toute la guerre civile. La fin de la révolution, peut-on la fixer en 1921/1922 à la fin de la guerre civile ? en 1923 à la fin de la poussée révolutionnaire en Allemagne ? en 1924 à la mort de Lénine ? ou au moment où Staline prend le contrôle total du parti ? en tout état de cause c’est bien après 1917. Résumer toute cette période à un coup d’état est tout simplement une falsification grossière de l’histoire, qui invisibilise les russes en mouvement.

Car la Russie de la révolution, c’est un pays dans lequel toute forme d’autorité a disparu, dans lequel l’aspiration à la liberté contre toutes les oppressions, à la justice sociale, mobilise l’ensemble de la société. Les soldats désertent par dizaines de milliers, massacrent les officiers, les paysans pillent et brûlent les maisons des propriétaires fonciers et prennent les terres, les ouvriers occupent leurs usines, dans les périphéries de l’empire les peuples veulent leur liberté. La politique envahit la vie quotidienne, les murs se couvrent d’affiches annonçant un meeting, un congrès, une réunion, un programme électoral. Par exemple, après février 1917, en un mois, 150 quotidiens et hebdomadaires voient le jour à Petrograd.

Le basculement de 1917 se produit sans affrontement important parce que l’état tsariste est incapable de réagir, n’est soutenu que par des secteurs très minoritaires dans la société. Il avait déjà montré sa déliquescence au moment la guerre de 1914. Lorsqu’elle commence, bien des régiments partent au front avec un fusil pour deux soldats, les survivants prenant ceux des morts, les patrons des grandes entreprises mettent en place un réseau pour assurer leur approvisionnement, les villes s’organisent également pour le ravitaillement.

Face à cela, le moteur de la révolution est le refus du tsarisme, de cette société féodale violente, rétrograde, dans la quelle la bourgeoisie russe est incapable d’assumer les tâches de la révolution bourgeoise . Car elle est faible, la Russie n’ayant pas connu l’évolution de l’Europe au 19°, le capitalisme moderne, hyper centralisé, qui s’y est développé s’étant appuyé sur des capitaux étrangers.

Les masses paysannes et ouvrières, les nationalités opprimées font irruption sur la scène politique contre les bourgeois, l’élite, pour que la disparition du tsarisme s’accompagne de la disparition de l’héritage de l’autocratie, elles se mettent en mouvement pour un changement de société.

Des milliers de soviets, de comités divers couvrent le pays, les comités d’usine qui contrôlent la vie quotidienne dans les ateliers, les comités de quartier qui organisent l’approvisionnement alimentaire, les crèches, la répartition des logements, les milices qui assurent l’ordre public, les comités de paysans qui se répartissent les terres, les comités de soldats qui s’occupent de stratégie militaire, et les nationalités qui veulent s’émanciper.

Autant de lieux de prise de parole, de débats, d’initiatives, et aussi d’affrontements.

Ici les étudiants dictent au professeur un nouveau programme d’histoire. Là les ouvriers obligent le patron à apprendre le « nouveau droit ouvrier », les exemples sont innombrables, ouvriers, ouvrières, soldats, paysans, paysannes, intellectuels juifs, femmes musulmanes, instituteurs, arméniens, etc etc

Des milliers de motions, pétitions, adresses, doléances sont envoyés aux comités, aux soviets qui disent toute la misère du peuple et l’immense espérance soulevée par la révolution.

L’échec final de cette révolution n’était pas écrit, ni son isolement après la défaite de la révolution en Allemagne en 1923, ni la victoire fasciste en Italie ou en Allemagne, pour ne prendre que ces exemples.

L’histoire n’est jamais écrite d’avance, à toute situation il y a plusieurs fins possibles.

La défense aujourd’hui de ce soulèvement populaire, de cette révolution, ne doit pas nous empêcher de tirer les bilans du siècle, de l’importance de la démocratie à la base à toutes les étapes, du fait que la seule modification de la propriété des moyens de production ne construit pas une société socialiste démocratique, sans compter que les crises écologiques diverses imposent de construire un socialisme démocratique qui ne s’appuie pas sur le développement sans fin des productions matérielles.