Un autre regard sur Le coup d’état de Pinochet au Chili en 1973

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Il y a 50 ans au Chili c’était la répression sauvage, les assassinats, les arrestations de tou·tes les militan·tes de gauche, syndicalistes, jeunes par la dictature militaire qui venait de renverser le président Allende et le gouvernement de l’Unité Populaire.

Dans un pays stable qui n’avait jamais connu de coup d’état formel, qu’est ce qui a amené l’armée chilienne « républicaine », à renverser le gouvernement régulièrement élu ?

Ce gouvernement de l’Unité Populaire, principalement les socialistes et les communistes qui soutenaient Allende à la présidentielle de 1970, voulait, tout en respectant l’ordre constitutionnel, appliquer un programme de transition légale au socialisme.

Ce qu’Allende, qui se disait marxiste, anti-impérialiste et admirateur de Cuba, appelait la « voie chilienne au socialisme », ce qui n’avait pas grand chose à voir avec la politique des socialistes européens.

Dès l’élection, il prend des mesures sociales, une hausse des salaires ouvriers de plus de 30%, l’école gratuite, la santé gratuite.

L’espoir soulevé dans les milieux populaires est considérable : ils considèrent ce nouveau gouvernement comme le leur, et les ouvriers et les paysans vont progressivement tenter de prendre en charge la marche de l’économie et de la société.

Les paysans mettent eux-mêmes en application la réforme agraire en créant des conseils communaux paysans qui exproprient les grands propriétaires terriens et se divisent la terre. En août 1972, la moitié des terres cultivables a été redistribuée, et d’autres veulent aller plus loin, occupent des terres. Évidemment, les gros propriétaires ne se laissent pas faire, il y a des affrontements armés.

Au plan économique, l’Unité Populaire nationalise le système bancaire, les 70 entreprises industrielles essentielles, notamment les mines de cuivre. L’État contrôle alors 85% des exportations et 45% des importations.

Pour le gouvernement, le programme de nationalisation est achevé.

Mais nombre de travailleurs de l’industrie privée demandent à rejoindre le secteur nationalisé, se mettent en grève, occupent plus de 250 usines. En deux ans le nombre de grévistes dans l’industrie privée est multiplié par 10, le nombre de travailleurs syndiqués dans le privé double, passant de 19 % à 37 % .

Des comités populaires de contrôle sur les prix exercent un contrôle sur la distribution et parviennent à limiter l’inflation.


Au cours de tout ce processus, le poids électoral de l’Unité Populaire se renforce.
Allende avait été élu en 1970 avec 36,6 % des voix, la coalition obtenait 50 % au municipales de 1971, et 44 % aux législatives de 1973.

Face à cela les grandes manœuvres s’engagent.

Elles impliquent la CIA américaine, les grandes banques américaines et européennes, et la droite et l’extrême droite, des secteurs de l’armée et les milieux patronaux chiliens.

Ils provoquent le chaos économique, par l’arrêt du crédit, des importations, en particulier du cuivre ;

ils organisent le « chaos social » par les manifestations des casseroles des femmes des beaux quartiers, les attentats des milices fascistes, le financement de la grève des transporteurs

et enfin ils préparent le coup d’état.

Pour les contrer, dans les grandes villes, des coordinations territoriales de syndicats, les cordons industriels occupent les usines, s’organisent. Des manifestations de masse se multiplient.

Allende est persuadé que l’armée respectera la constitution, pour calmer les esprits, intègre des militaires au sein du gouvernement, et deux mois avant le coup d’État nomme chef des armées Pinochet, celui qui va l’organiser.

Si le coup d’état s’est produit, c’est parce que le gouvernement de gauche en place voulait instaurer le socialisme, même de manière pacifique et que la mobilisation populaire rendait cet objectif atteignable.

Toutes celles et tous ceux qui veulent réellement se débarrasser du capitalisme et instaurer une société sans exploitation ni oppressions doivent tenir compte de cette leçon : les oppresseurs ne se laissent jamais déposséder de leur pouvoir pacifiquement.

Toute stratégie de changement sérieuse doit donc en tenir compte.