Manifestation pour le droit à l'ivg

Un autre regard sur : la conquête du droit à l’avortement en France

Féminisme Podcast

Le régime de Vichy avait fait de l’avortement un crime contre l’État passible de la peine de
mort, ainsi Marie-Louise Giraud est guillotinée le 30 juillet 1943. Cette loi est abrogée à la
Libération. Mais la pénalisation de l’avortement et de la propagande anticonceptionnelle
prévue par la loi de 1920, au sortir de la première guerre mondiale dans un contexte de
politique nataliste, reste en vigueur.
Dans les années 1950, le mouvement qui va devenir le Planning familial est créé. Il lutte
pour le droit à la contraception et la rend accessible pour ses adhérentes, 100 000 en 1966.
Elle sera autorisée en 1967.
C’est dans ce contexte qu’en 1971 paraît le manifeste des 343 femmes parmi lesquelles des
personnalités du spectacle, de la littérature et de la politique qui déclarent avoir avorté.
Cet acte public rompt le silence sur le drame des avortements clandestins.

Chaque année près d’un million de femmes y sont contraintes. Seules les plus riches vont
en Angleterre. Pour les autres, par milliers, dans les milieux populaires, les conditions
dangereuses et insalubres tuent et mettent en danger leur santé. Elles subissent de plus les
condamnations, 527 en 1971.
L’avortement sort du silence, ce n’est plus un problème personnel, mais une revendication
collective qui va enclencher une mobilisation considérable des femmes pour la libre
disposition de leur corps jusqu’à l’adoption de la loi Veil en 1975.
Le 20 novembre 1971, plus de 40 000 femmes manifestent à Paris pour le droit à
l’avortement et à partir de ce moment, le mouvement se développe sous l’impact du
Mouvement de Libération des Femmes. En octobre 1972, le procès de Bobigny au cours
duquel Gisèle Halimi fait acquitter une jeune fille de 17 ans qui avait avorté après un viol
est une nouvelle échéance.
L’année suivante sera celle de la création du Mouvement pour la liberté de l’avortement et
de la contraception (MLAC), quelques semaines après la publication d’un nouveau
manifeste, celui de 331 médecins qui revendiquent avoir pratiqué des avortements, qui ne
seront pas inquiété.e.s.
Le MLAC, regroupe des militant.e.s du Planning familial, du Groupe Information Santé,
de la Mutuelle des Étudiants de France, des associations familiales, des organisations
politiques, comme le PSU, la LCR … il va donner une nouvelle dimension à la
mobilisation. Des comités MLAC se créent partout, comme une traînée de poudre, militant
pour que l’avortement puisse être exercé à la simple demande de la femme et remboursé
par la sécurité sociale.
Il ne s’agit pas seulement de revendiquer, de manifester, diffuser des tracts, diffuser le film
interdit Histoire d’A, le MLAC accueille les femmes désireuses d’interrompre leur

grossesse. Il faut trouver des solutions : la clandestinité s’organise publiquement ! Des cars
vers les pays autorisant l’IVG sont affrétés. Et surtout se développe la méthode Karman, de
l’avortement par aspiration, simple et sécuritaire. Petit à petit, les militantes du MLAC,
dans des groupes composés de non-médecins formés, pratiquent les avortements,

persuadées qu’on ne mendie pas un juste droit, qu’il faut se battre pour lui, s’auto-
organiser et assumer publiquement les actes illégaux. Cette pratique a donné un coup

d’accélérateur à la lutte. Le Planning familial décide de pratiquer des avortements dans ses
centres d’orthogénie.
L’avortement est devenu une question politique centrale. Le mouvement est subversif,
assume l’affrontement politique. Si le MLAC est une organisation mixte, le mouvement est
porté par les femmes qui brisent à cette occasion les carcans des milieux politiques amis.

Face à la puissance de cette mobilisation, le gouvernement lâche, même si les courants
conservateurs font de la résistance. La loi votée le 17 janvier 1975 portée par Simone Veil,
autorise l’interruption volontaire de grossesse (IVG) sous conditions, elle ne sera
remboursée qu’en 1982.
Malgré ses limites, c’est le texte fondateur de la dépénalisation de l’avortement en France.
N’oublions jamais que cette victoire trop souvent attribuée à la seule Simone Veil a été
acquise au prix d’un combat féministe acharné !