Ce mouvement est apparu en Amérique latine pour rendre dignité et espoir aux pauvres et aux exclus, pour la libération des peuples.
La théologie de la libération est la pointe visible d’un changement profond au sein des églises et du peuple chrétien, la forme théologique d’une pratique sociale qui a prit son essor en Amérique latine dans les années 1960, au carrefour de débats internes à l’église catholique et des bouleversements économiques et sociaux.
Dans les années 1950 s’expriment de nouvelles formes de christianisme social, en France c’est le mouvement des prêtres ouvriers, de l’action catholique ouvrière, et des mouvements de jeunes.
En Amérique latine, l’industrialisation et la modernisation économique des multinationales accentuent le sous développement, approfondissent les contradictions sociales en concentrant dans les villes un immense prolétariat pauvre issu de l’exode rural, alors que la révolution cubaine offre une perspective anti impérialiste, socialiste et que se multiplient les dictatures militaires.
Le mouvement va surgir dans les mouvements laïcs et certains membres du clergé actifs auprès de la jeunesse étudiante, des syndicats et des communautés ecclésiales de base, dans les luttes sociales pour la terre et pour l’éducation populaire, dans le combat politique pour la démocratie contre les dictatures militaires conservatrices. Et des prêtres, puis des évêques sont entraînés.
Des théologiens vont développer à partir des années 1970 une certaine interprétation du message chrétien.
Pour eux Dieu est du côté des pauvres, des opprimés et des proscrits, pour la justice sociale.
Ils véhiculent une utopie du « Royaume de Dieu » comme une société nouvelle ici, fondée sur l’amour, la justice et la liberté, et les luttes sociales sont des étapes d’une longue marche qui préfigurent et annoncent ce « Royaume ».
Ils affirment que l’église doit comprendre et reconnaître le péché social, celui que la société capitaliste inflige à ses victimes, dénoncer le processus de dépendance organisé par les nations riches qui augmente la dépendance en enrichissant les grands centres du nord et appauvrissant les régions périphériques du Tiers monde.
Par exemple, les évêques et supérieurs religieux de la Région Centre-Ouest du Brésil écrivent en 1973 : « Il faut vaincre le capitalisme : c’est le plus grand mal, le péché accumulé, la racine pourrie, l’arbre qui produit tous ces fruits que nous connaissons si bien : la pauvreté, la faim, la maladie, la mort (…). Pour cela, il faut que la propriété privée des moyens de production (usines, terres, commerce, banques) soit dépassée ».
Enfin pour eux le principe dynamique de la société est le mouvement de celles et ceux d’en bas qui sont destinés à être les agents de leur propre libération.
Cette convergence pratique entre catholicisme et marxisme s’est concrétisée par l’engagement de frères, de prêtes, dans l’action de résistance, y compris armée contre les dictatures.
Rome a vite accusé les évêques de promouvoir des idées marxistes en dressant les pauvres contre les riches, et a tout fait pour réduire le courant de la théologie de la libération, par des sanctions et la nomination d’évêques conservateurs.
Si le pape actuel dénonce le néolibéralisme, la corruption, critique les conditions économiques responsables de la pauvreté, le rôle des modèles actuels de production et de consommation dans la crise écologique, les pauvres sont pour lui toujours considérés comme un objet d’attention, de compassion et de charité, alors que pour la théologie de la libération, les pauvres doivent être les sujets de leur propre libération.
Par contre le Mouvement des Sans Terre, aujourd’hui un des plus importants mouvements sociaux du Brésil et de toute l’Amérique Latine, qui rassemble des centaines de milliers de paysans dans le combat pour une réforme agraire radicale, s’il est parfaitement séculaire et non-confessionnel, plonge lui ses racines dans la culture de la théologie de la Libération.
Podcast: Play in new window | Download