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Elle a été la plus grande confrontation avec l’Etat du mouvement ouvrier britannique depuis la grève générale de 1926.
Le charbon produit encore 75 % de l’électricité britannique, et 30 % de la production d’énergie pour l’industrie (c’était 90 % en 1945). Le syndicat des mineurs, le NUM, compte 210.000 membres dans 170 mines. Il a ébranlé le capitalisme britannique au cours de deux grandes grèves pour les salaires en 1972 et en 1974, qui ont eu une forte influence sur la combativité ouvrière dans les années 1970. Ils ont battu le Parti Conservateur de Margaret Thatcher, qui leur voue une haine tenace, et qui en a tiré les conséquences.
Il lance un plan pour briser les grèves, modifie la législation, fait des stocks de charbon, entraîne la police comme une force paramilitaire pour interdire les piquets de grève.
Pour Thatcher, il s’agit, après avoir défait le parti travailliste dans les urnes, de défaire ce qu’elle appelle le « socialisme non démocratique », le syndicalisme, et notamment ce syndicat. Elle veut commencer par fermer les 20 puits non rentables, et sortir de la dépendance au charbon et aux mineurs.
La grève démarre le 12 mars 1984 contre la fermeture du premier puits et s’étend vite dans presque toutes les régions minières. Les tentatives de la droite du syndicat d’organiser des élections prévues par la nouvelle loi anti grève pour la décider sont un échec : les mineurs entrent en action spontanément.
Mais le contexte n’est plus celui des années 1972-74.
Cette fois, la question clé est celle de la solidarité du reste du mouvement ouvrier. La majorité du TUC (Trade Union Cuncil) a évolué vers la droite depuis 1979, estime que les grèves réduisent les chances du parti travailliste de remporter les élections, certains dirigeants syndicaux déclarent que faire la grève en solidarité avec les mineurs est une tactique nuisible. On verra même un dirigeant travailliste condamner la violence des mineurs.
Or, un deuxième front était nécessaire car cette grève est un défi à la politique économique et sociale du gouvernement. D’autres professions devaient se mettre en grève, non pas simplement en solidarité avec les mineurs, mais pour défendre leurs propres emplois.
Le gouvernement, pour empêcher qu’une telle solidarité se concrétise, ne s’affronte pas aux mineurs dans un premier temps, il les isole, soit en signant des accords de paix sociale, par exemple avec le syndicat des chemins de fer, soit en s’attaquant à d’autres secteurs, par exemple le syndicat des imprimeurs qui sera défait.
Les mineurs, la direction de leur syndicat, autour d’Arthur Scargill, le meneur et l’âme de la grève, engagent l’affrontement avec courage et détermination. La grève va engager plus de 100 000 mineurs pendant un an, avec les piquets de grève, des piquets volants de solidarité, une mobilisation ouvrière à la base en soutien des grévistes, une participation des femmes très importantes.
En mai, dans la bataille d’Orgreave, la détermination est intacte. Plusieurs milliers de mineurs organisés en piquets volants pour empêcher le déplacement de stocks de coke entreposés pour les usines sidérurgiques s’affrontent très violemment à une énorme force policière.
En juillet les dockers refusent de décharger le charbon importé de l’étranger par le gouvernement, mais leur grève se termine dans la confusion.
En novembre, les autorités ont saisissent les avoirs du syndicat des mineurs, au motif il n’a pas respecté la loi en n’organisant pas d’élection pour engager la grève, juste au moment où la nécessité de la solidarité se faisait le plus clairement ressentir.
La répression est féroce: 7.500 mineurs ont été arrêtés et 40 parmi eux ont été emprisonnés, dont deux à perpétuité. Deux grévistes ont perdu la vie.
Dans un tel affrontement, le courage et la volonté de gagner ne suffisent pas. Au début de l’année 1985, les grévistes ne peuvent guère faire plus, ils reprennent le travail, fiers de leurs efforts mais, en même temps, défaits.
La défaite fut très lourde de conséquences, a déterminé la situation politique et industrielle du pays pour les vingt années suivantes, a modifié profondément la place des syndicats dans le paysage social et politique en Grande Bretagne.