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Il a nécessité une année de préparation : il avait donc été planifié par les dirigeants des forces anglo américaines seulement en mai 1943. Pourquoi cette date tardive ?
Car l’ouverture d’un second front à l’Ouest a été demandée par les soviétiques dès l’entrée en guerre des USA en décembre 1941. En effet depuis l’attaque de l’URSS par l’armée allemande en juin 1941, c’est ce pays qui affrontait les nazis en Europe, n’oublions jamais que c’est elle qui comptera le plus de victimes, plus de 25 millions dont 15 millions de civils.
Staline avait obtenu des anglo américains une promesse d’ouverture d’un second front en mai 1942 au moment où la situation sur le front de l’Est était critique. Dans les semaines qui suivent, le débarquement allié à Dieppe est un échec cuisant, celui de novembre en Afrique du Nord tarde à donner des résultats significatifs. En fait Churchill, anti-communiste acharné, avait persuadé les États-Unis de retarder le plus tard possible le débarquement pour affaiblir au maximum les Soviétiques.
Mais en février 1943, les soviétiques arrêtent la vague des victoires nazies à Stalingrad, et remportent une victoire décisive en juillet 1943 lors de la bataille de Koursk (entre Kharkiv et Belgorod ) : la guerre ne pouvait plus être gagnée par les nazis.
La guerre d’usure avec des bombardements massifs de l’Allemagne et de l’Europe de l’Ouest, qui touchaient principalement les populations civiles (moins de 20 % des bombes visaient les sites industriels et les bases de sous marins1), n’obligeait pas Hitler à déplacer ses forces à l’Ouest. Mais brutalement en 1943, voyant l’avancée des soviétiques, les forces anglo américaines veulent rattraper le terrain perdu, débarquent en Italie en septembre 1943 tout en préparant celui de Normandie.
Les décisions militaires sont toujours des décisions politiques.
Tous les possédants avaient en mémoire la montée révolutionnaire de la fin de la première guerre mondiale et redoutaient la reproduction de cette situation. Ils étaient inquiets des formes de résistance existant en Europe, qu’ils ne contrôlaient pas.
Les Américains n’avaient aucune confiance en De Gaulle, qu’ils estimaient n’être qu’un pantin du PCF et de l’URSS. Ils craignaient la dynamique de la résistance populaire.
Les gens combattaient parce qu’ils avaient faim, parce qu’ils étaient sur-exploités, parce qu’il y avait des déportations massives de travailleurs en Allemagne, des exécutions de masse, des camps de concentration, parce qu’il n’y avait aucun droit de grève, parce que les syndicalistes et les militants étaient mis en prison. Au delà de la résistance armée, il y avait des manifestations populaires, comme la marche de la faim de 5000 femmes devant l’hôtel de ville de Paris le 19 mars 1944, les émeutes pour le charbon.
Contre les élites au pouvoir, cette résistance est animée d’un anti-capitalisme vague, condamne l’affairisme, le parlementarisme, la trahison classes dirigeantes, identifie la grande bourgeoisie avec le régime de Vichy.
Les États-Unis ont longtemps cherché une solution politique à leur mesure, une sorte de « Vichy sans Vichy » appuyé sur les élites françaises collaborationnistes, soucieuses de négocier le passage de l’ère allemande à la paix américaine. D’abord avec Darlan, puis Giraud, puis Pucheu.
Mais la création du Conseil National de la Résistance en mai 1943, l’unification des résistances en décembre 1943 donnent à De Gaulle un poids politique qu’ils ne peuvent plus occulter.
Si la défaite nazie vient de l’avancée des troupes alliées à partir de la Normandie et de la Provence à partir du 15 août 1944, elle est aussi le fruit de la résistance, renforcée par les milices patriotiques en extension constante, dans un mouvement insurrectionnel d’une ampleur inédite.
Derrière les combats sur les plages normandes, dans les bombardements destructeurs des villes (Caen, Cherbourg, Le Havre et Rouen), plusieurs enjeux se croisent ; la défaite de l’Allemagne nazie, les conditions de l’affrontement à venir entre les puissances impérialistes et l’Union soviétique, les conflits en France entre la politique américaine, celle de De Gaulle et les aspirations de la résistance populaire.
1Ernest Mander « Sur la seconde guerre mondiale » ed. La Brèche, 2018, p. 154