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Madagascar était un pays indépendant lorsqu’il a été conquis et annexé par la France en 1896, à la suite du partage de l’Afrique entre puissances coloniales européennes discuté à la conférence de Berlin en 1885.
La conquête de l’île par Gallieni est particulièrement brutale, dure plus de dix ans face aux insurrections rurales. Les habitant.es perdent tout droit et toute représentation, le travail forcé est instauré, durant la guerre 14-18 l’armée française enrôle 41 000 Malgaches dans des unités combattantes.
Depuis, les mouvements de lutte pour l’indépendance se succèdent, tous réprimés violemment.
En 1939, les organisations sont dissoutes par l’administration de la colonie, qui rejoint le régime de Vichy. Lorsque France de De Gaulle reprend le pays en 1942 les fonctionnaires de l’administration coloniale restent les mêmes.
La population est obligée de participer à l’effort de guerre, la durée du travail forcé est triplée, des contingents pour l’armée sont réquisitionnés, la famine règne, la population est exsangue.
En 1945 deux députés indépendantistes sont élus, et les comités électoraux se transforment en MDRM (Mouvement Démocratique pour la Rénovation Malgache), qui suit avec avec attention ce qui se passe en Indochine au même moment. En 1946, ils proposent une loi pour l’indépendance inspirée de l’accord conclu au Vietnam, refusée par la majorité des partis français, y compris le PCF et le PS.
L’ effervescence anticolonialiste monte, contre les colons dont les prérogatives sont renforcées, contre la misère, les réquisitions qui ont remplacé le travail forcé.
Dans la nuit du 29 au 30 mars 1947, une révolte embrase l’île, un camp militaire est attaqué par 2000 hommes armés de sagaies, les fermes des gros colons sont détruites, les voies ferrées, les lignes électriques sont coupées, les bases aériennes assaillies : tout ce qui représente puissance militaire et exploitation coloniale est visé, il y a 140 victimes européennes et des centaines de malgaches alliés aux colons. Les insurgés sont maîtres d’un 1/6ème de l’île. Le MDRM désavoue l’insurrection et dénonce les « crimes barbares ».
La répression du gouvernement d’union nationale, dans lequel des postes essentiels sont occupés par le PCF est terrible. Elle est soutenue par les forces politiques et sociales françaises rattachées au PS et au PC, syndicalistes, même LDH qui dans un télégramme 8 avril « approuvent les mesures prises par l’autorité civile et leur font confiance pour rétablir l’ordre dans la légalité démocratique et poursuivre l’œuvre constructive dans une totale union », car la préoccupation dominante est le maintien de la présence française à Madagascar.
Le MDRM est dissous, ses parlementaires emprisonnés. Notons que lorsque le gouvernement demande la levée de l’immunité parlementaire de ces députés malgaches, Thorez et les ministres PC quittent la salle avant la prise de la décision.
Les représailles de l’armée et des groupes dits « d’auto défense » des colons sont terribles, des prisonniers malgaches sont lâchés comme bombes humaines d’un avion vivants au-dessus de villages dissidents, d’autres enfermés dans des cases et brûlés vifs, la torture généralisée. 3000 membres du MDRM sont incarcérés, interrogés, torturés dont les deux députés. Les combats vont durer plusieurs mois.
En mai lors du débat à l’Assemblée, alors que les députés PC vont quitter le gouvernement, obligés de soutenir les grèves ouvrières qui se multiplient, ils s’abstiennent sur le vote permettant la continuation de la répression. De nouvelles troupes sont envoyées en août 1947, la légion étrangère, les tirailleurs sénégalais principalement. Les quadrillages, ratissages, exécutions sommaires, continuent , des régions entières sont affamées par la destruction de toutes les cultures. En 1948, il y a plus de 20 000 malgaches en prison.
L’administration coloniale reconnaît 11 200 victimes, l’État major français annonce 89 000 tués par la répression militaire, le Haut commissaire en 1949, dans une conférence de presse parle de « plus de 100 000 morts » . Ces chiffres sont aujourd’hui contestés sans qu’on ait les moyens de les fixer avec certitude. Quoiqu’il en soit, c’est un massacre.
L’insurrection malgache de 1947 illustre la politique coloniale de la France d’après guerre, qui refuse toute perte de territoires coloniaux, au prix de massacres répétés, retardant l’accès à l’indépendance de quelques années, moins de 15 pour Madagascar qui redeviendra indépendant en 1960, et sous hégémonie économique de la France encore 10 ou 15 ans après.