Carte de type "RISK" (métaphore de la construction des frontières au Moyen-Orient)

Un autre regard sur : l’origine des frontières du Moyen Orient

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Les frontières actuelles sont issues du démantèlement de l’empire ottoman par les impérialismes européens victorieux à la fin de la première guerre mondiale. Ils ont largué alors une véritable bombe à retardement.

Lorsque commence la première guerre mondiale, l’empire ottoman est en déclin. Son affaiblissement aiguise les convoitises des britanniques et des français qui veulent profiter de son effondrement prévisible.

Les alliés soutiennent d’abord la révolte arabe qui présente pour eux l’avantage de fragiliser un peu plus l’empire turc.

Cette révolte ouvre l’espoir d’un état arabe unifié sur toute la zone où se situent actuellement la Palestine, Israël, le Liban, la Syrie, la Jordanie et l’Irak, voire d’un État kurde au nord.

Mais ce n’est pas l’objectif des impérialistes européens, qui veulent garder le contrôle de cette région essentielle du fait de ses réserves de pétrole, de son rôle dans les échanges entre l’occident et l’orient, notamment avec le canal de Suez, mais aussi comme verrou contre la révolution russe. Les puissances britannique, française, soutenues par les conférences internationales vont donc structurer cette région au cours des années qui suivent la première guerre mondiale pour qu’elle réponde à leurs besoins, en en faisant une vallée de larmes.

Les négociations commencent en 1915 entre la Grande Bretagne et la France, avec l’accord de l’Italie et de l’Empire russe. Elles se concluent en 1916 par l’accord secret dit Sykes-Picot, du nom des négociateurs britannique et français, qui sera rendu public en 1917 par la jeune république soviétique.

Il divise le Proche Orient en 5 zones, chacun des deux pays en a une en administration directe, l’autre en « influence » (pour la France la Syrie et le Liban actuels) et la Palestine est censée devenir une zone internationale. Cet accord informel sera validé par la Société Des Nations, l’ancêtre des Nations Unies, qui tiendra compte de la naissance de la Turquie moderne et la création de l’Arabie Saoudite.

Dans chaque pays, les impérialistes donnent le pouvoir à des minorités qui ne peuvent gouverner qu’avec leur soutien, par exemple les chrétiens maronites au Liban, les alaouites en Syrie, etc.. En outre, ils créent des micros états, comme le Qatar, les Émirats Arabes Unis, Bahreïn, et le Koweït ; immédiatement reconnus par la Grande Bretagne. Par exemple la frontière du Koweït est élargie … aux zones de pétrole !

Le destin de tous les peuples de cette région a donc été imposé arbitrairement par les puissances européennes.

Les arabes qui se sont battus avec les alliés contre l’Empire ottoman s’aperçoivent qu’il ne reste rien de leur projet de grand royaume arabe promis par les britanniques.

Les velléités du roi Faysal de constituer un royaume arabe de Syrie en 1920 au détriment de la France sont rapidement écrasées par l’armée française du Levant, Faysal s’exile, avant d’être rappelé par les britanniques en 1921 pour monter sur le trône d’Irak, car ils veulent mettre en place un chef arabe pour légitimer leur pouvoir et faire face aux émeutes populaires.

A ce découpage s’est ajoutée la réponse au projet sioniste.

C’est la déclaration Balfour de 1917 qui « envisage favorablement l’établissement en Palestine d’un foyer national pour le peuple juif » et dans laquelle le gouvernement britannique s’engage de faire « tout ce qui est en son pouvoir pour faciliter la réalisation de cet objectif, … [sans] porter atteinte … aux droits civiques et religieux des collectivités non juives existant en Palestine ». C’est en quelque sorte le coup de grâce pour les arabes, appelés « collectivité non juive », alors qu’ils représentent à ce moment 700 000 personnes aux côtés des 60 000 juives et juifs.

Il s’agissait pour l’impérialisme britannique d’une réponse immédiate à la pression de l’organisation sioniste dont le dirigeant venait de mettre au point un procédé de fabrication d’acétone indispensable à l’industrie d’armement. Mais au-delà, il y avait un intérêt stratégique : l’installation d’une communauté susceptible d’aider l’impérialisme à contrôler la région.

Cette colonisation particulière diffère du schéma colonial « classique », elle se fixe pas pour objectif d’exploiter les arabes, mais de les remplacer, en les ignorant et les spoliant.

S’engage un long processus de colonisation qui vise à créer une société purement juive en Palestine, et cette nation en formation sur un territoire arraché par la force doit nécessairement, face à l’hostilité du monde arabe environnant, trouver en permanence un protecteur. Ce sera d’abord la Grande Bretagne, puis après la seconde guerre mondiale les États Unis.

Les conditions de la tragédie actuelle sont réunies.