Un autre regard sur les paysan.ne.s du Larzac contre l’armée

Un autre regard sur les paysan.ne.s du Larzac contre l’armée

Le gouvernement avait décidé en 1970 de quadrupler la surface du champ de manœuvres militaire qui existe sur le plateau du Larzac depuis plus d’un siècle. Les 103 paysans concernés, tant les anciens que les néoruraux qui pratiquent l’élevage de brebis pour la production de roquefort se mobilisent immédiatement contre ce projet, autour du mot d’ordre  « Gardarem lo Larzac », « Nous garderons le Larzac ».

Dès les premiers rassemblements de 1971, ils sont soutenus par les courants de la gauche autogestionnaire, et les courants radicaux de la paysannerie. Face à l’enquête d’utilité publique, ils multiplient les initiatives étendant les alliances dans tous les milieux de la gauche. Des comités d’action Larzac sont créés dans toute la France.

Les paysans combinent les actions sur tous les terrains, juridiques, légaux, illégaux, avec des actions spectaculaires permettant de médiatiser. Les moutons broutent sur le Champ de Mars à Paris, envahissent les tribunaux. Pour compliquer les projets de l’État et des promoteurs, ils divisent leurs terres en de multiples parcelles. Ils renvoient leurs livrets militaires, suivis par près de 3 000 Français. Ils invitent les contribuables à retirer les 3 % de l’impôt affectés à l’armée afin de les reverser à la lutte…

Le 10 juin 1973, ils commencent à bâtir la bergerie la Blaquière évidemment sans permis, qui sera le lieu d’accueil du rassemblement de 80 000 personnes en août. Un public intergénérationnel, mélange de milieux ouvriers, paysans, étudiants et intellectuels se retrouve dans une atmosphère joyeuse et politique. Une délégation des salariés de Lip en lutte contre les licenciements est venue de Besançon pour vendre les montres assemblées par les grévistes.

Cette mobilisation s’appuie sur la force du mouvement antimilitariste des années 70. En mars 73, Debré avait déclenché une vaste mobilisation lycéenne et étudiante avec l’annonce de la suppression des sursis au service militaire pour les plus de 21 ans qui leur permettait de faire plus tard leur service. « Faites labour, pas la guerre », arborent des T-shirts çà et là dans la foule.

Elle s’appuie également sur le rejet du centralisme parisien en lien avec les mouvements régionalistes.

Cette mobilisation annonce les luttes écologiques des minorités et populations autochtones dans le monde. C’est ainsi que l’actrice amérindienne Sacheen Littlefeather (connue également sous le nom de « Petite Plume ») rejoint le rassemblement avec une délégation. « Nous voulons faire connaissance avec tous ceux qui dans un monde nouveau veulent faire exister leur culture. Nous livrons le même combat », explique celle qui s’est illustrée quelques mois plus tôt en refusant un Oscar pour protester contre le sort réservé au peuple amérindien des États-Unis.

L’écologie n’est pas le thème le plus mis en avant sur le Larzac, elle est cependant bien là et annonce même si ce n’est pas encore vraiment conscient, l’idée du respect de l’animal, d’une agriculture paysanne qui est celle des paysans du Larzac en opposition à l’élevage industriel, à la monoculture et aux produits chimiques.

Après 1973, d’autres rassemblements suivront sur le plateau, fortement chargés de symbolique, réunissant chaque fois plus de monde : il y aura 1974, 1977… puis une nouvelle marche sur Paris en 1978, avant la victoire finale avec l’élection de François Mitterrand à la présidence de la République qui annonce, un mois plus tard, l’arrêt de l’extension du camp militaire.

Après cette victoire, la lutte continue, contre la mondialisation néolibérale, les décisions de l’Organisation mondiale du commerce (OMC).

En 2000, pour faire suite au démontage du MacDo de Millau un an plus tôt, un grand rassemblement accueille plus de 100 000 personnes au pied du causse. Puis en 2003, c’est 300 000 personnes qui sont au rendez-vous, parce que « D’autres mondes sont possibles » : c’est la grande époque de l’altermondialisme.

Le Larzac a été une terre de luttes et d’inventions dont se sont réclamés les zadistes de Notre-Dame-Des-Landes et qui porte encore les traces de ses combats. C’est encore aujourd’hui un endroit en France, où l’accès au foncier agricole est géré collectivement et démocratiquement afin de favoriser les jeunes installations.