Un autre regard sur : Haïti conquiert son indépendance !

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Haïti, l’ancienne colonie française de Saint-Domingue a été le premier état noir dans l’histoire moderne à obtenir son indépendance, a la suite de la seule révolte d’esclaves victorieuse.

La colonie, avec le sucre, les distilleries, le coton, le café, le cacao, jouit d’une prospérité qui repose sur le travail d’un demi-million d’esclaves. En 1789, les deux tiers du commerce extérieur de la France se font avec elle, c’est le plus grand marché de la traite européenne des esclaves. C’est une combinaison d’arriération et de modernité : le grand commerce bâti sur la traite négrière et l’esclavage a ses racines dans un mode de production très avancé, un laboratoire du capitalisme gouverné par des relations maîtres-esclaves particulièrement brutales, les blancs, 7 % de la population, faisant régner la terreur.

Si la révolution française de 1789 n’aboli pas l’esclavage, elle déclare l’égalité des droits pour tous les hommes libres, y compris les métis et les noirs, ce qui représente un danger pour les esclavagistes, qui organisent un groupe de pression dans l’assemblée pour l’annulation de ce vote l’année suivante.

Les esclaves qui observaient les effets de la Révolution en France décident alors de se battre eux-mêmes pour leur libération. La révolte commence en août 1791, en quelques jours, détruit toutes les plantations du nord, tue un millier de blancs. Face à l’avancée des troupes noires, l’esclavage est aboli a Haïti, quelques mois avant d’être abolit dans toutes les colonies. Il s’agit de rallier les anciens esclaves à la république pour contrer les projets d’invasion par l’Angleterre et l’Espagne.

Les troupes noires dirigées par Toussaint Louverture, un esclave porté par les idéaux de liberté et d’égalité, refoulent les espagnols, puis combattent et prennent le dessus sur une expédition britannique de près de 60 000 hommes.

C’est alors, en 1801, que Bonaparte envoie un contingent pour reprendre le contrôle de l’île. Il défait Toussaint Louverture qu’il envoie en prison en France où il mourra mais surtout rétablit l’esclavage dans toutes les colonies en 1802. Face à cette menace, l’armée noire reprend le combat, chasse les français, et proclame l’indépendance de la république d’Haïti le 1er janvier 1804. Au moins 100 000 noirs sont morts dans cette guerre de libération.

Le fait que des hommes et des femmes qui, peu de temps auparavant, tremblaient devant les Blancs, s’organisent en un peuple capable de vaincre les principales puissances européennes esclavagistes et colonialistes de l’époque inquiète.

Pour la bourgeoisie française, c’est une perte de profits et une défaite politique impardonnable, elle ne va pas en rester là. En 1825, la France envoie 14 navires de guerre, organise le blocus et menace Haïti d’intervention militaire si pour la reconnaissance de son indépendance, elle ne paye pas une «indemnité» de 150 millions de francs-or à ses anciens maîtres pour la perte de leurs propriétés. Même renégociée à 90 millions de francs-or en 1838, l’indemnisation est d’un montant largement supérieur aux moyens de la république noire naissante.

Isolée, elle n’a d’autre choix que de payer la «rançon». Pour y parvenir, elle emprunte à des banques qui prélèvent au passage des intérêts. Double peine pour les Haïtiens et double bénéfice pour les banquiers. Le paiement de la « dette de l’Indépendance » s’achève en 1883. Mais pour finir de rembourser et pouvoir financer les infrastructures nécessaires au pays, en 1875, le gouvernement haïtien doit emprunter à nouveau. Une banque française a particulièrement profité de cette dette : le Crédit Industriel et Commercial (CIC), fondé par Napoléon III, au conseil d’administration de laquelle on trouve le descendant d’un des importants esclavagistes de Saint-Domingue…

Cette servitude financière, aggravée par la cupidité et la corruption de gouvernements mafieux va accaparer l’essentiel des revenus du pays, empêchant tout développement propre et plongeant durablement sa population dans le plus grand dénuement.

Les possédants se sont vengés de cette libération !