Un autre regard sur : le néolibéralisme

Un autre regard sur : le néolibéralisme

Cette nouvelle forme de domination du capital, inaugurée au Chili après le coup d’état de Pinochet en 1973, s’est développée avec les politiques de Ronald Reagan et de Margaret Thatcher, avant de s’imposer dans le monde. Elle fait aujourd’hui consensus dans toutes les institutions internationales.

Elle a permis aux capitalistes de restaurer leurs profits en annulant les effets du compromis social installé à la fin de la seconde guerre mondiale qui limitait trop leur pouvoir. Par exemple aux États Unis, la part du revenu national des 1% les plus riches était passée de 16 % avant la guerre à 8 % entre 1945 et 1975. Tant que la richesse globale était en augmentation, que les rapports de force imposaient ces reculs, la bourgeoisie s’en est accommodée. A l’arrivée de la récession, la classe dominante s’est sentie menacée. Il lui fallait agir résolument si elle voulait sauver son pouvoir politique et économique. Le néolibéralisme est la façon dont la bourgeoisie a restauré sa domination.

Le néolibéralisme rodait depuis longtemps dans les coulisses de la politique comme possible antidote aux menaces pesant sur l’ordre capitaliste.

En réalité depuis les années 1930, la conjonction de la crise économique, des effets de la Révolution russe et des crises révolutionnaires qui se succèdent, et de la montée du fascisme, amènent des théoriciens bourgeois à remettre en cause le libéralisme classique dans lequel le marché règle naturellement toutes les questions. Ils se réunissent ensemble pour la première fois en 1938 lors d’un colloque, puis fondent en 1947 la Société du Mont Pélerin, puis en 1973 la Trilatérale, tout cela continuant aujourd’hui autour du Forum économique mondiale de Davos.

Un de leurs théoriciens donne dès le départ la signature générale du Néolibéralisme : « être libéral, ce n’est pas … laisser les voitures circuler dans tous les sens, selon leur bon plaisir … ce n’est pas comme le planisme, fixer à chaque voiture son heure et son itinéraire ; c’est imposer un code de la route, tout en admettant qu’il n’est pas forcement le même au temps des transports accélérés qu’au temps des diligence ».

Depuis sa victoire dans les années 1980, la mise en œuvre va prendre de multiples formes dans le temps et l’espace.

Les organisations internationales ont joué un rôle très actif dans la diffusion et la généralisation de cette norme, qui a pour conséquence l’aggravation des inégalités et de la pauvreté. Le Fonds Monétaire International et la Banque Mondiale imposent la norme de l’état concurrentiel entre les producteurs nationaux et étrangers, de sorte que les états sont de plus en plus soumis à une dynamique qui leur échappe.

Dans les années 90, une nouvelle orthodoxie est formalisée dans le « consensus de Washington » selon les principes suivants :

– discipline budgétaire et fiscale,

– libéralisation commerciale, suppression des barrières douanières,

– ouverture aux mouvements de capitaux étrangers,

– privatisation de l’économie,

– déréglementation,

– mise en place de marchés concurrentiels.

L’état se réengage pour être le gardien et l’organisateur des règles de la concurrence dite libre et non faussée.

La concurrence est donc institutionnalisée comme norme sociale, comme type de lien entre les individus, concurrence qui pour eux va de pair avec la liberté, car elle permet à chacune chacun de s’affirmer comme « un être autonome, libre et responsable de ses actes».

Le néolibéralisme ne se contente donc pas de privatiser, de détruire les services publics, d’exploiter les salarié-e-s, de maximiser la productivité, d’aggraver les conditions de travail avec des exigences de résultats de plus en plus élevées, il organise ce qu’il appelle « l’homme entrepreneurial », par la destruction des collectifs de travail, par la pression du chômage de la flexibilité.

Dans cette rationalité néolibérale, il n’y a plus de débat démocratique, d’acceptation qu’existent des intérêts divergents, de compromis social. Face à tout projet destructeur, la règle n’est pas « débattons et décidons », mais « on va vous expliquer ». C’est une vaste opération de dépolitisation de tous les débats et pour les néolibéraux, toutes celles et tous ceux qui s’opposent au règne de la concurrence s’opposent tout simplement à la liberté.

C’est ce qui explique largement les raisons de la dérive autoritaire généralisée actuelle, très, très inquiétante.