Un autre regard sur les origines de la FTP MOI, l’organisation du groupe Manouchian

Un autre regard sur les origines de la FTP MOI, l’organisation du groupe Manouchian

Lorsqu’en 1942 le PC lance la la résistance armée, avec les FTP MOI, Francs Tireurs Partisans – Main d’œuvre immigrée, il s’appuie sur les structures politiques des étrangers qu’il a mis en place dès les années 1920.

La France, privée de plus de deux millions de morts et d’invalides, fait appel aux étrangers pour occuper les emplois peu qualifiés. Chaque année, près de 200 000 personnes arrivent d’Europe centrale, d’Italie mais aussi d’Espagne, d’Afrique … elles fuient la misère, mais aussi, pour les italiens la répression du régime fasciste, pour les juifs d’Europe centrale les pogroms et les politiques antisémites.

Le parti communiste naissant est encore internationaliste et anticolonialiste, il crée l’Union intercoloniale, qui défend les droits des peuples colonisés par la France, animé par Hô Chi Minh qui sera le leader des communistes vietnamiens.
En 1923, la Confédération générale du travail unitaire (CGTU) animée par le PC ouvre un bureau de la Main-d’œuvre étrangère (MOE), dans la foulée le PC crée une section du travail parmi les étrangers qui autorise ses membres à s’organiser en sections par nationalité. Une dizaine de « groupes de langue » apparaissent, disposant d’une direction et d’un journal. Les juifs, d’abord membres des sections nationales se regroupent à partir de 1927 dans une section juive, avec un journal en Yiddish, la langue des juifs d’Europe centrale. Elle va vite devenir une des plus importantes avec celle des italiens, elles publient toutes deux un quotidien. La MOE changera de nom dans la France xénophobe des années 1930 pour devenir la Main-d’œuvre immigrée MOI.

Ces groupes créent au sein de leurs communautés des réseaux denses d’institutions sociales, d’écoles, des mouvements de jeunesse, de théâtres, de chorales, d’associations sportives qui sont les lieux de rencontre, de socialisation dans lesquels les nouvelles et nouveaux arrivant trouvent les moyens de s’intégrer. C’est en passant par l’organisation arménienne de la MOI que Manouchian rejoint le PC. Les groupes se renforcent dans les années 1930, ces militant·es antifascistes s’inquiètent de l’arrivée au pouvoir des nazis et des persécutions antisémites ; et s’impliquent dans le soutien à la révolution espagnole, nombreux seront membres des brigades internationales.

Lorsque le PC est dissous en 1939 suite à la signature du pacte Hitler-Staline de dépeçage de la Pologne, les militants de la MOI, tout en restant fidèles au parti, mettent en place des structures clandestines, d’aide, d’assistance, mais aussi de combat. Alors que le PC n’organise rien contre les allemands, la conscience politique va conduire ces jeunes, femmes et hommes chassés de leurs pays par la misère, l’antisémitisme et le fascisme, à un engagement total contre le nazisme.

Lorsque le PC commence la résistance armée après l’attaque nazie contre l’URSS en juin 1941, les groupes de la MOI assurent les premiers coups de main, et sont les premiers réseaux de résistance armée des FTP qui sont constitués en 1942, sous l’appellation FTP MOI.
Plus aguerris, plus déterminés, ils résistent mieux aux premières vagues d’arrestations a tel point qu’en 1943, lorsque Manouchian prend la direction du groupe parisien, celui-ci est un des rares à pouvoir agir dans Paris. Ils réalisent des dizaines d’opérations, dont l’exécution la plus spectaculaire est celle de Julius Ritter, le responsable en France du Service du Travail Obligatoire (STO).

Dans les années qui ont suivi la Libération, leur rôle dans la Résistance a longtemps été méconnu voire occulté, tant par la mémoire gaulliste, que, dans une certaine mesure, par la mémoire communiste officielle qui ne voulait que rien ne vienne ternir l’image tricolore du PC devenu PCF en 1943.

Tout notre respect pour ces militantes et ces militants.