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La défaite de la révolution espagnole, après l’arrivée au pouvoir de Mussolini en Italie, d’Hitler en Allemagne, au moment où les procès de Staline en URSS détruisent ce qui reste de la vieille garde bolchevique, est une tragédie d’importance européenne et mondiale.
Elle n’était pas inéluctable !
L’échec relatif du coup d’état du 17 juillet 1936, loin de la victoire rapide prévue par les dirigeants de la conjuration, montre à quel point ils étaient faibles militairement ( la marine et l’aviation sont restées dans le camp républicain), et sans véritable soutien populaire si l’on excepte les bandes armées phalangistes. Les premiers jours étaient décisifs pour isoler et combattre les insurgés, décourager les soldats de suivre les officiers insurgés.
Le gouvernement du Front Populaire refuse d’organiser la riposte populaire, d’armer les ouvriers comme lui demandent le syndicat anarchiste CNT, l’organisation trotskyste, le POUM, et même l’UGT, le syndicat socialiste. Au lieu de cela, il choisit de négocier avec certains rebelles pour leur faire changer d’attitude.
Dans les villes et régions où la population se mobilise sans attendre, s’arme, comme à Barcelone où les ouvriers font main basse sur toutes les armes qu’ils trouvent, ou comme à Madrid où un officier fidèle fait distribuer 5000 fusils, les batailles sont gagnées par les républicains, et montrent qu’il était possible de défaire l’insurrection immédiatement, ou tout du moins d’en réduire considérablement l’ampleur, ce qui changeait les conditions de la guerre.
Partout où l’insurrection a été écrasée par les masses populaires armées, le pouvoir est passé dans la rue, les groupes armés résolvent les tâches urgentes, tant la lutte contre les derniers carrés de l’insurrection, que celles de la vie quotidienne. Un pouvoir nouveau émerge constitué de comités locaux qui deviennent dans certaines régions de véritables gouvernements. Le pouvoir économique de l’Église est détruit, nombre d’entreprises sont réquisitionnées, ou mises sous contrôle, dans les campagnes un mouvement de collectivisation se développe.
Barcelone est un bastion de cette nouvelle Espagne. Les hôtels de luxe servent de réfectoires populaires, la police est assurée par les miliciens, tout comme les transports, la poste, l’électricité, etc. . Le Comité Central des milices antifascistes de Catalogne est le pouvoir effectif.
Si le gouvernement est toujours là, la force armée est constituée à partir des milices.
L’appui militaire du Portugal, de l’Italie et de l’Allemagne permet à la conjuration militaire d’engager la guerre civile, alors que le gouvernement de Front Populaire français prône la « non intervention ».
La question qui se pose alors du côté de la République est simple : qui va conduire la guerre ?
Est-ce le pouvoir populaire des comités, ou celui de la République ?
Les socialistes, aidés par les communistes veulent redonner le pouvoir au gouvernement officiel de Front populaire, au motif qu’il faut d’abord vaincre les insurgés, on verra après pour le socialisme. Le secrétaire du syndicat UGT préside le nouveau gouvernement mis en place. Il va s’appuyer sur l’aide russe pour restaurer l’autorité de l’état et reconstituer une police et une armée.
Cette politique qui remet en question les conquêtes populaires, l’autonomie des comités, dissout les milices, provoque des affrontements bien décrits dans le film « Land and Freedom » de Ken Loach.
Ils prennent une tournure dramatique en Catalogne en mai 1937, avec des affrontements armés qui font 500 morts et 1000 blessés. Les staliniens qui deviennent une force profitent de la situation pour se débarrasser de nombreux militants anarchistes et surtout trotskystes et assassinent Andres Nin, un des dirigeants principaux du POUM.
La dynamique révolutionnaire qui avait permis de stopper l’offensive des insurgés, celle qui portait la détermination des combattantes et des combattants au front est cassée.
La guerre civile va continuer encore deux ans, dans les plus mauvaises conditions.
Malgré le courage des républicains contre les fascistes, la défaite est au bout.
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